23. November 2025
«JEAN TINGUELY. EMETTEUR POÉTIQUE»
Exposition Musée d’art et d’histoire de Fribourg (MAHF) et Espace Jean Tinguely - Niki de Saint Phalle, jusqu’au 22 février 2026 / Ausstellung im Museum für Kunst und Geschichte (MAHF) und Espace Jean Tinguely – Niki de Saint Phalle, bis am 22. Februar 2026

Image: Jean Tinguely au MAHF, 1991 – Photo: © MAHF / François Emmenegger
Après l’évocation des débuts de l’artiste et de ses actions des années 1960-1970, l’exposition se focalise sur son œuvre tardive abordant les dérives et la vanité d’un monde consumériste. Ces sujets résonnent avec les œuvres de Tinguely appartenant à la collection du MAHF. L’œuvre ultime, remarquable par sa profondeur et sa radicalité, permet aussi une réflexion sur le temps, le carnavalesque, la mort et la fragilité de toute entreprise humaine.
L’exposition se poursuit à l’Espace Jean Tinguely-Niki de Saint Phalle avec un focus autour des sujets de la vitesse et de l’amitié entre Jean Tinguely et Jo Siffert ainsi que des interviews filmées, menées entre 2024 et 2025, de personnalités ayant côtoyé l’artiste. Les entretiens portent, entre autres, sur les traces laissées par Tinguely dans le cœur et l’esprit de celles et ceux qui l’ont connu.
Des débuts aux années 1960
Jean Tinguely s’impose dès les années 1950 comme une figure importante de l’art cinétique. Après un apprentissage de décorateur à Bâle, il s’installe à Paris fin 1952. C’est là qu’il développe des sculptures mobiles en fil métallique et ses premiers reliefs, des œuvres murales motorisées, combinant matériaux de récupération et mécanismes simples. Vers 1959, il crée les «Méta-Matics», machines à dessiner qui remettent en question le rôle de l’artiste et la notion même de création artistique. En 1960, Tinguely est membre-fondateur du groupe des Nouveaux Réalistes. A cette époque, il organise des happenings, dont l’action éphémère «Homage to New York», au Museum of Modern Art. Cette œuvre d’art, conçue pour s’autodétruire, incarne une vision critique et poétique de la modernité, intégrant chaos, échec et transformation dans le processus artistique.
Les philosophes et le carnaval
Par sa posture critique et ironique, Jean Tinguely interroge la place de la pensée dans la société contemporaine avec un goût pour la dérision et l’absurde. Dans les années 1980, il réalise ses «Philosophes» qui portent les noms de penseurs célèbres évoqués par une apparence grotesque et parfois bruyante. Ce regard décalé s’inscrit dans un imaginaire carnavalesque dont Tinguely retient l’esprit subversif, le renversement des rôles et l’humour corrosif. Le goût du masque traverse l’univers tinguelien, jusque dans sa propre apparence: l’artiste aime jouer des rôles et brouiller les frontières entre l’art et l’absurde. À travers ses hommages parodiques et son goût du carnaval, il met en scène une pensée en acte, joyeusement désordonnée, où la critique passe par la farce, et où le rire devient une forme de résistance.
Le pandémoniaque et le religieux
À la fin de sa vie, Tinguely développe une œuvre marquée par les sujets de la mort et du pandémoniaque, un terme qu’il revendique. Déjà présent à ses débuts, l’imaginaire du tragique s’intensifie alors que sa santé décline. Confronté à sa propre finitude dès les années 1980, il transforme son rapport à la création. Ses dernières œuvres prennent une tournure sombre, en conservant leur énergie. Dans certaines pièces, il intègre des crânes qui animent un théâtre mécanique de la vanité. À travers elles, il exorcise son déclin. À partir de 1981, Tinguely conçoit des «retables», œuvres chargées de symboles spirituels et funèbres. Il y évoque autant ses souvenirs d’enfance, alors qu’il était servant de messe, que le chaos du monde moderne.
Oscillant entre ferraille et transcendance, ses retables révèlent son rapport à la mort à la fois lucidement affrontée et tournée en dérision. Malgré des problèmes de santé, Tinguely poursuit son œuvre avec rage et humour, multipliant les projets jusqu’à sa mort en 1991.

Image: Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle, Hon, 1966 © MAHF / Fonds Rico Weber
«Heureka» et les œuvres de collaboration
Jean Tinguely s’est illustré par des œuvres monumentales et collectives. En 1964, il crée «Heureka» pour l’Exposition nationale suisse de Lausanne: une machine inutile qui détourne l’idée du progrès technique pour en révéler l’absurdité. Il développe ensuite des projets collaboratifs avec ses ami·e·s artistes comme «La Vittoria» (1970), installation monumentale assemblée à Milan ou «Le Crocrodrome de Zig et Puce» (1977), espace immersif installé au Centre Pompidou. «Le Cyclop» (1969–1994) à Milly-la-Forêt incarne un art total et une aventure artistique collective. Avec «Hon – en katedral» (1966), Niki de Saint Phalle, Per Olof Ultvedt et Jean Tinguely construisent une «nana» allongée pénétrable.
Sa collaboration avec Eva Aeppli intervient, quant à elle, à la fin de sa vie et apporte une dimension introspective. Les figures silencieuses d’Aeppli dialoguent avec les machines de Tinguely, unissant poésie sombre et mécanique délirante.
L’amitié avec Bernhard Luginbühl
Jean Tinguely a entretenu une profonde amitié artistique avec le sculpteur bernois Bernhard Luginbühl. Tous deux partageaient le goût pour les matériaux de récupération, la monumentalité, l’humour et une méfiance envers l’art institutionnel.
Leur rencontre dans les années 1950 marque le début d’un dialogue nourri par une vision partagée de l’art comme célébration du chaos. Un moment mémorable de leur collaboration a été le Barbaraschiessen, organisé en 1972 à la galerie Kornfeld à Berne. Ces séances de tirs, dans une ambiance festive et iconoclaste, affirment la puissance de la destruction comme acte créatif. Leur amitié, nourrie d’énergie brute et de liberté, incarne une forme d’anarchisme artistique joyeux, célébrant l’éphémère et l’irrévérence.
Dessins et collages
Dans l’œuvre de Tinguely, le dessin occupe une place centrale. Loin de se limiter à un rôle préparatoire, il devient un champ d’expérimentation. L’artiste s’en sert pour penser, communiquer, mais aussi pour capturer le mouvement et l’instant. Son trait est spontané, souvent griffonné au stylo ou au feutre, mêlant croquis, notes, collages et figures. Il dessine partout: sur des sets de table, des emballages, au téléphone, produisant ainsi des dessins et des lettres hybrides. Il utilise matériaux imprimés, images industrielles, fragments typographiques, qu’il agence selon un principe de récupération et une poétique du fragment. Le dessin et le collage tingueliens traduisent une esthétique de l’inachevé et du jeu. Dessiner est pour l’artiste une manière de matérialiser une idée en transformation, où l’œuvre se construit dans l’acte même de la création.

Image: Jean Tinguely, 1989 © Photographie Alain Bizos
La suite de l’exposition à l’Espace Jean Tinguely-Niki de Saint Phalle
En dialogue avec les volets de l’exposition «Emetteur poétique» au MAHF, l’Espace présente un focus autour du sujet Tinguely, la vitesse et Jo Siffert ainsi que des interviews filmées, menées en 2024 et 2025 avec celles et ceux qui ont côtoyé l’artiste. Les entretiens portent, entre autres, sur les traces laissées par Tinguely dans le cœur et l’esprit de celles et ceux qui l’ont connu, et comment son œuvre perdure dans leurs mémoires et dans notre monde contemporain.
Tinguely et le sport automobile
Cette partie de l’exposition documente la passion de Jean Tinguely pour ce sport et donne un aperçu des amitiés qui y sont étroitement liées. Les moteurs, les voitures et surtout les voitures de sport ont inspiré Jean Tinguely durant toute sa vie. Il n’était pas qu’un collectionneur fanatique dont le cœur battait pour les Ferrari. Les compétitions automobiles le fascinaient également. Pour Tinguely, le sport automobile incarnait la rencontre fondamentale entre l’homme et la machine, entre la vitesse et le danger.
Cette partie de l’exposition met en lumière l’amitié légendaire entre Jean Tinguely et le pilote suisse de Formule 1, Jo Siffert, mort lors d’une course en 1971. Pour lui rendre hommage, Tinguely créa un monument public à Fribourg sous la forme d’une fontaine qui fut inaugurée en 1984. L’amitié de l’artiste avec le Fribourgeois René Progin, vice-champion d’Europe de side-car est également documentée des témoignages spectaculaires: side-cars peints, combinaisons de course, etc.
Interviews de personnalités ayant connu et côtoyé Jean Tinguely
Entre 2024 et 2025, dix-sept interviews de personnalités ayant connu Jean Tinguely ont été effectuées. Ces interviews ont toujours suivi le même schéma. Elles évoquent entre autres les circonstances de la rencontre de ces personnalités avec l’artiste, des anecdotes, des réflexions sur l’héritage tinguelien.
Liste des personnalités interviewées:
David Chassot, Jean-Pierre Corpataux, Josef «Seppi» Imhof, Eliane Laubscher, Yvonne Lehnherr, Basil Luginbühl, Jo Monney, Trudy Morel, Jean-Luc Nordmann, René Progin, Jean-Marc Rey, Maxe Sommer, Pavel Schmidt, Niklaus Talman, Jean-Sébastien Tinguely, Milan Tinguely, Paul Wiedmer.
cp
En savoir plus:
https://www.fr.ch/sites/default/files/2025-11/dossier-de-presse-emetteur-poetique.pdf?v=1763461268
Contact:
https://www.fr.ch/mahf#contact
DE:
https://www.fr.ch/sites/default/files/2025-11/pressedossier-emetteur-poetique.pdf?v=1763462107
#JeanTinguely #JeanTinguely100 #EmetteurPoétique #MAHF #EspaceTinguelySaintPhalle #CHcultura @CHculturaCH ∆cultura cultura+
Kommentare von Daniel Leutenegger